Les effets préliminaires de la règle du bâillon mondial élargie par le président Trump
La règle du bâillon mondial a bloqué plusieurs programmes de santé sexuelle et reproductive, et ainsi entraîné le retrait de partenaires essentiels à la mise à disposition des services aux populations rurales et jeunes les plus reculées. Elle a également et renforcé l’hostilité ambiante envers la santé sexuelle et reproductive, rendant difficile le plaidoyer de la société civile. La perte imminente des contraceptifs habituellement fournis par l’USAID aura un impact négatif en cascade sur l’efficacité des prestataires de services.
Au Sénégal, même si les indicateurs de santé ont fait des progrès considérables, des barrières socio-économiques continuent d’entraver l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, notamment pour les populations jeunes et rurales souvent mal desservies. Le Code Pénal sénégalais interdit toute interruption volontaire de grossesse, quelles qu’en soient les circonstances. Par ailleurs, les normes culturelles et religieuses relatives à la planification familiale limitent l’utilisation des contraceptifs. Même dans un contexte où de si fortes contraintes pèsent sur la légalité de l’avortement sécurisé et la qualité des soins y relatifs, la règle du bâillon mondial dans sa version élargie par l’administration Trump-Pence a des conséquences néfastes. Au Sénégal, cette politique affaiblit la demande de services de planification familiale et limite leur accès. Elle menace également de perturber l’adoption d’une loi qui accroitrait la disponibilité de services d’avortement sécurisé et de qualité pour les femmes et les filles.
La règle du bâillon mondial interdit aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères qui souhaitent continuer de recevoir des subventions issues de l’aide américaine pour la santé dans le monde de se servir de leurs fonds privés non-américains pour pratiquer des avortements, pour fournir des informations sur l’avortement, pour orienter les femmes vers des services qui le pratiquent, ou pour mener un plaidoyer en faveur de la légalisation des services d’avortement sans danger en dehors des cas ou la grossesse met en danger la vie de la mère, ou en cas de viol ou d’inceste. Il est important de noter que la règle du bâillon mondial élargie s’applique à l’ensemble de l’aide américaine pour la santé dans le monde. Ce faisant, elle affecte la santé reproductive et la planification familiale mais aussi la santé maternelle et infantile ; la prévention, le soin et le traitement du VIH/SIDA ; et d’autres programmes de santé.
En juin et juillet 2018, PAI a effectué plusieurs missions d’observation à Dakar, au Sénégal, afin de documenter les premiers effets de la règle du bâillon mondial. Les ONG étrangères qui y mettent en œuvre des programmes de sensibilisation à l’aide de cliniques mobiles et de franchises sociales ont été les plus durement touchées, ayant subi à la fois la perte de leur financement américain et la rupture de leurs partenariats avec des ONG américaines. Ces conséquences ont un effet dévastateur dans un pays comme le Sénégal, qui compte de nombreux groupes de populations rurales difficiles à atteindre. La politique américaine affecte également le plaidoyer en cours qui vise à relancer le processus d’adoption d’une loi longtemps attendue sur la santé reproductive qui autoriserait l’interruption volontaire de grossesse en cas de viol ou d’inceste. Une telle loi serait un premier pas vers l’harmonisation de la loi sénégalaise avec les engagements pris par le pays dans le cadre des instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’avec les cas exceptionnels où l’avortement est autorisé par la règle du bâillon mondial.