Ces deux dernières années, dans le cadre du projet UHC Engage, PAI et ses partenaires de la société civile en Afrique subsaharienne et en Asie ont tout mis en œuvre pour saisir les opportunités de faire progresser la santé et les droits sexuels et reproductifs, y compris la planification familiale, à l’occasion de la réforme de la couverture sanitaire universelle. La difficulté vient du fait que les soins de santé universels présentent de multiples facettes qui sont par définition spécifiques à chaque pays. Décoder l’environnement de la réforme politique et financière de chaque pays est essentiel pour éclairer les possibilités dont dispose la société civile pour engager les décideurs politiques à accroître l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive pour toutes les personnes, en particulier pour les femmes et les filles.
Les détails des politiques émergentes au niveau national ne sont pas largement disponibles à l’échelon mondial et régional. Les fiches pays de notre série Décoder les politiques de financement des soins de santé primaires au niveau national viennent combler cette lacune fondamentale dans les connaissances.
Fin 2018, le gouvernement national du Kenya a présenté un programme pilote dans quatre comtés (Kisumu, Nyeri, Isiolo et Machakos) visant à élargir l’accès aux soins de santé et à atteindre la couverture sanitaire universelle à l’horizon 2022 pour que chaque citoyen ait accès à des services de santé de qualité sans devoir faire face à des paiements directs élevés.
Plaidoyer en faveur de la planification familiale au Kenya
La couverture sanitaire universelle (CSU) a pour but de susciter des changements politiques et systémiques déterminants dans le monde entier en vue de garantir que tous les individus aient accès aux services de qualité dont ils ont besoin (des soins préventifs aux soins palliatifs) et bénéficient d’une protection financière qui leur évite des difficultés financières quand ils font jouer leur droit d’accès aux soins de santé. Cependant, il n’est pas facile d’avoir accès à des renseignements détaillés sur les politiques nationales émergentes aux niveaux mondial et régional. Dans le cadre du projet UHC Engage (S’engager en faveur de la CSU), PAI et ses partenaires ont collaboré à l’élaboration d’une série de publications démystifiant les politiques de financement relatives à la CSU propres à chaque pays afin d’illustrer les possibilités de plaidoyer en faveur de la planification familiale (PF) et d’alimenter le dialogue international. Puisque chaque pays se trouve à un stade différent de la réforme du financement de la CSU, ces notes déconstruisent les différents processus politiques liés à la CSU en temps réel, mettent en lumière des exemples à plusieurs facettes pour faire progresser la PF au niveau des politiques axées sur la CSU et apportent des idées dans de multiples contextes aux défenseurs de la santé et des droits sexuels et reproductifs (SDSR) pour renforcer leurs efforts au niveau mondial.
Fin 2018, le gouvernement national du Kenya a présenté un programme pilote dans quatre comtés (Kisumu, Nyeri, Isiolo et Machakos) visant à élargir l’accès aux soins de santé et atteindre la CSU d’ici 2022. Ce programme pilote étant terminé, le gouvernement national et les gouvernements des comtés peaufinent actuellement les programmes et les politiques de CSU afin de répondre aux besoins de leurs communautés. La Kisumu Medical and Education Trust (KMET), une organisation de la société civile (OSC) prestataire de soins de santé collabore actuellement avec les dirigeants locaux et les représentants du gouvernement dans le comté pilote de Kisumu et au niveau national pour s’assurer que ces politiques et programmes de soins de CSU soient fondés sur des preuves et donnent la priorité à l’amélioration de l’accès à la PF. La KMET continuera à utiliser son expertise en matière de prestation de services et de plaidoyer aux côtés d’une nouvelle coalition que l’organisation a contribué à mettre en oeuvre pour assurer une couverture de la PF élargie grâce à la mise en place d’une double stratégie nationale et infranationale pour la CSU.
Aperçu de la PF au Kenya
Dans son engagement pris en 2017 dans le cadre du mouvement Family Planning 2020 (FP2020), le gouvernement kényan a donné la priorité à l’élargissement de l’accès et du choix d’une PF de haute qualité, en particulier dans les zones à faible revenu, rurales ou négligées par l’infrastructure de santé actuelle. Le gouvernement s’est également engagé à augmenter le taux de prévalence contraceptive moderne, à réduire le nombre de grossesses parmi les adolescentes et à renforcer le financement national de la PF aux niveaux national et infranational pour combler les lacunes dans la prestation de services ainsi que pour diminuer la dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds.
Au Kenya, les produits de PF sont financés principalement par des bailleurs, ce qui est une tendance constante depuis que le système de santé du pays a été décentralisé en 2013. À l’échelle du pays, le secteur public est la principale source de méthodes contraceptives du pays, offrant la contraception à 60 % des utilisateurs actuels. Les produits de PF sont achetés par le gouvernement national par l’intermédiaire de l’Agence de produits médicaux du Kenya (KEMSA en anglais) et directement par les partenaires de développement.
Pour renforcer son soutien à la PF, le gouvernement s’est engagé, dans le cadre de FP2020, à inclure les services et les produits de PF dans tous les programmes d’assurance maladie. Toutefois, ce n’est pas le cas dans le nouveau régime de CSU du gouvernement national. En août 2020, les soins de promotion et de prévention (et plus particulièrement la PF) ne figuraient pas dans l’avant-projet du kit de prestations. Au lieu de cela, l’avant-projet du kit de prestations se concentre sur les soins curatifs et ne comprend qu’un sous-ensemble limité de services de santé reproductive au niveau de l’hôpital. Il est important de noter que tout ce qui n’est pas inclus dans le kit de prestations nationales ne sera pas couvert par le régime de CSU. Cette omission représente une menace pour les importants acquis et l’accès futur à la PF notamment parce qu’elle peut obliger les femmes et les filles à combler les lacunes de la couverture du régime en payant de leur poche les produits et services de PF.
L’engagement du Kenya en faveur de la CSU
Après avoir longtemps promu la CSU, le gouvernement kényan a publiquement renouvelé son engagement d’atteindre cet objectif d’ici 2022 pour que chaque citoyen ait accès à des services de santé de qualité sans avoir à débourser des sommes importantes. Les décideurs politiques ont donné plus de priorité à la CSU dans les principaux cadres politiques et de développement au niveau national, notamment dans la Big Four Agenda et dans l’Agenda de la Vision 2030 qui chapeaute le tout. Le ministère de la Santé (MS) a également fait de la CSU un objectif clé dans le cadre du dernier plan stratégique du secteur de la santé au Kenya.
Historiquement, le Fonds national d’assurance hospitalière (NHIF en anglais) du Kenya était le principal moyen pour le gouvernement d’octroyer des soins de santé à tous. Le NHIF est une institution publique nationale créée en 1966. Au départ, il s’agissait d’un programme obligatoire auquel les travailleurs du secteur formel devaient contribuer au moyen de déductions salariales retenues sur les revenus, puis il a été étendu au secteur informel, où l’adhésion est volontaire et les contributions sont établies à un taux fixe. Le NHIF a connu de nombreux défis et n’a pas répondu aux attentes malgré son objectif d’élargir la tranche de population concernée, les services et la couverture financière. Le kit des prestations se limite principalement aux soins hospitaliers et il existe des lacunes dans la couverture des soins de santé primaires (SSP) et de la PF. Seuls 16 % de l’ensemble des Kényans sont inscrits au NHIF et, au fil du temps, ces personnes ont signalé une couverture financière limitée des services compris.
Pour faire avancer le programme de CSU, le gouvernement du Kenya a cherché à mettre en oeuvre des réformes au sein du NHIF, de la KEMSA et du système hospitalier national de référence et à former les travailleurs de la santé pour qu’ils répondent aux normes fixées par le Cadre réglementaire des soins de santé.