Dans le monde entier, la société civile a un important rôle à jouer en veillant à ce que les gouvernements nationaux mobilisent les ressources nécessaires pour répondre de manière soutenue aux besoins urgents des gouvernements de parvenir à l’appropriation nationale de la planification familiale (PF). Dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, les investissements nationaux pour ces services et produits de santé sont insuffisants, notamment par rapport au financement des bailleurs. Un niveau d’appropriation national insuffisant par le gouvernement s’avère évident lorsque les allocations nationales destinées à la PF sont minimes par rapport au financement total nécessaire pour assurer des programmes et des soins de qualité. Alors que les gouvernements d’Afrique subsaharienne se sont engagés à mobiliser les ressources nationales nécessaires pour assurer un financement de la PF sur le long terme au moyen de stratégies nationales et d’initiatives telles que le Partenariat de Ouagadougou et Family Planning 2030 (FP2030), c’est à la société civile qu’incombe la responsabilité de faire en sorte que les gouvernements allouent, déboursent et dépensent les fonds prévus par l’intermédiaire d’un processus budgétaire.
Dans le cadre de notre projet « Government Accountability for Family Planning Budgets » (Redevabilité des Gouvernements en Matière de Respect des Budgets Consacrés à la Planification Familiale), PAI soutient les défenseurs de la société civile au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Malawi, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie dans leurs démarches visant à garantir le respect des engagements des gouvernements à financer les produits et les services de PF par la dépense des allocations de PF et le renforcement de la transparence des données budgétaires liées à la PF. Les partenaires de ces sept pays mettent en œuvre le Cadre commun de suivi des dépenses publiques en matière de planification familiale*, une approche pour encourager la redevabilité conçue par les défenseurs de la société civile et PAI. Cette approche et les outils qui la concernent servent à mesurer, sur une base annuelle, les résultats en matière d’investissement dans les produits et services de PF par les gouvernements. Composé d’un ensemble standard d’indicateurs pouvant être utilisés dans tous les contextes nationaux, le Cadre commun fait un suivi du cycle de planification et de budgétisation, allant du besoin de financement à l’allocation, au décaissement, aux dépenses et aux résultats.
Malgré les circonstances difficiles de l’année 2020, les partenaires de PAI du projet de Redevabilité des Gouvernements ont réussi à faire un suivi des données budgétaires liées à la PF et à plaider en faveur d’un investissement national dans les programmes de PF et les produits contraceptifs. PAI et ses partenaires ont coopéré à l’élaboration d’une deuxième série de Tableaux de bord pour la PF comprenant pour la première fois les performances atteintes par les gouvernements au Bénin, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Chaque tableau de bord, spécifique à un pays, donne un aperçu de la performance du gouvernement au cours d’une année fiscale en ce qui concerne le respect de ces engagements et évalue la transparence des données budgétaires nécessaires pour assurer leur suivi. Il existe désormais des données comparatives entre et au sein des deux régions du projet (Afrique de l’Ouest francophone et Afrique de l’Est et australe).
Cinq conclusions clés sont ressorties de cette nouvelle série de tableaux de bord qui présentent les tendances des données budgétaires relatives à la PF sur une période de trois ans :
- Les allocations du gouvernement consacrées à la PF restent faibles comptes tenus des besoins de financement actuels. Trois des sept pays ne prévoient pas le financement des programmes de PF, tandis que les quatre autres ont alloué moins de 4 % des besoins de financement. Cinq des sept pays ont alloué moins de 35 % des besoins de financement aux produits contraceptifs, dont deux ont alloué moins de 10 %.
- Dans six des sept pays, l’allocation gouvernementale destinée aux produits contraceptifs représentait une part plus importante du besoin de financement par rapport à l’allocation pour les programmes de PF. Alors que l’allocation la plus importante consacrée aux programmes de PF représentait 4 % des besoins de financement (Côte d’Ivoire), les allocations destinées aux produits contraceptifs représentaient 15 %, 17 %, 34 % et 61 % des besoins de financement en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, en Tanzanie et au Bénin, respectivement.
- Le taux de dépense des allocations pour la PF varie selon les pays. En Tanzanie, l’allocation consacrée aux produits contraceptifs représentait une part importante du besoin de financement (34 %), mais seulement 11 % de cette allocation a été dépensée. Le Burkina Faso a alloué 17 % des besoins de financement et a dépensé la totalité de l’allocation, tandis que la Côte d’Ivoire n’a alloué que 15 % des besoins de financement et ne les a pas dépensés.
- Une utilisation insuffisante des allocations de PF nuit à l’investissement et à l’atteinte de l’appropriation nationale. Tel qu’il est décrit dans le point précédent, les allocations déjà faibles effectuées par les pays en matière de PF sont davantage réduites lorsqu’elles ne sont pas dépensées ou sont insuffisamment dépensées.
- Les données relatives aux allocations et aux dépenses pour trois années fiscales des sept pays ne montrent pas d’augmentation régulière de l’investissement dans la PF. Au Malawi, les allocations pour les produits contraceptifs ont nominalement augmenté chaque année, mais ont diminué en tant que part des besoins de financement. En Tanzanie, les allocations pour les produits contraceptifs ont augmenté chaque année alors que le taux de dépense a diminué. Au Burkina Faso, les allocations et les dépenses liées aux produits contraceptifs ont augmenté au cours de l’année fiscale (AF) 2018, puis ont diminué au cours de l’AF 2019. Les allocations pour les programmes de PF au Bénin et en Zambie ont diminué entre l’AF 2018 et l’AF 2019, et en Ouganda, l’allocation destinée à ces derniers a considérablement diminué au cours des trois exercices faisant objet d’un suivi.
Les nombreuses lacunes affichées dans les tableaux de bord mettent en évidence le niveau insuffisant de transparence en ce qui concerne les données budgétaires, ce qui demeure un défi majeur pour les partenaires de PAI mettant en œuvre le Cadre commun. Un aperçu complet des budgets pour la PF dans chacun des sept pays ne peut pas être atteint en raison de ces lacunes, entravant ainsi la capacité de la société civile de tenir les gouvernements redevables. Ces lacunes sont principalement dues à l’absence de :
- lignes budgétaires distinctes consacrées aux programmes de PF ;
- lignes budgétaires distinctes consacrées aux produits contraceptifs ;
- données relatives aux décaissements accessibles au public ; et
- données ventilées trimestriellement relatives aux décaissements et aux dépenses nécessaires pour évaluer si ces derniers ont été effectués en respectant les montants corrects et les délais prévus.
Les démarches mises en place par la société civile en matière de suivi budgétaire et de redevabilité sont particulièrement importantes aujourd’hui, étant donné le processus d’engagements du mouvement de FP2030 en cours, la publication de nouveaux plans nationaux de mise en œuvre chiffrés pour la PF et les répercussions engendrées par les réductions de l’aide effectuées par le Foreign, Commonwealth & Development Office (Bureau des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, FCDO) du Royaume-Uni. En effet, la société civile rencontrerait des difficultés à tenir les gouvernements redevables de leurs engagements en matière de produits et services de PF à l’échelle nationale et internationale si elle ne disposait pas d’un mécanisme complet de suivi budgétaire et de redevabilité tel que le Cadre commun. Par ailleurs, compte tenu des restrictions appliquées par le FCDO, les gouvernements devront s’empresser d’augmenter leurs investissements dans les produits contraceptifs, notamment dans les pays qui dépendent fortement du financement des produits contraceptifs assuré par le Fonds des Nations unies pour la population. Si les gouvernements ne parviennent pas à respecter leurs engagements (et dans certains pays, à combler une partie de l’écart laissé par les restrictions appliquées par le FCDO), l’accès à la PF diminuera et entraînera un impact disproportionné sur les femmes et les filles des populations à faible revenu et marginalisées, étant donné la croissance des taux de grossesse non désirée et de mortalité maternelle et infantile.
Dans ce contexte, les efforts de plaidoyer déployés par les partenaires du projet de Redevabilité des Gouvernements visant à accroître les dépenses nationales en matière de PF dans leurs pays (soutenus par le Cadre commun et les Tableaux de bord budgétaires pour la PF) devient plus essentiels que jamais. Forts de leurs succès atteints en matière d’accroissement des allocations pour la PF, les partenaires continuent de plaider en faveur de nouvelles augmentations afin que les allocations destinées à la PF représentent une part plus importante des besoins de financement. Étant donné des preuves apportées qui démontrent un niveau insuffisant des dépenses, ils ont également concentré leurs efforts afin de tenir le gouvernement redevable de la dépense intégrale des fonds alloués. À cette fin, les partenaires plaident en faveur d’une plus grande transparence en ce qui concerne les données budgétaires relatives à la PF, en particulier celles qui sont liées aux décaissements et aux dépenses. Plusieurs partenaires s’engagent auprès des représentants du gouvernement pour s’assurer que les allocations consacrées à la PF soient déboursées par les trésors publics aux ministères de la Santé en temps opportun et en respectant les montants corrects, afin de garantir la disponibilité continue des services et des produits de PF. Certains partenaires préconisent la mise en place de lignes budgétaires destinées aux produits contraceptifs en vue de permettre le suivi des dépenses et du degré de redevabilité. D’autres opèrent au niveau sous-national pour s’assurer que les districts allouent et dépensent leurs propres fonds destinés aux services de PF.
Adopter une approche multidimensionnelle à tous les niveaux s’avère nécessaire pour permettre que les gouvernements affichent des progrès quant à l’augmentation de leurs investissements dans les produits et services de PF. Afin de compléter les démarches de plaidoyer déployées par la société civile à l’échelon local et national, PAI et d’autres organisations non gouvernementales internationales actives dans le domaine de la santé et des droits sexuels et reproductifs doivent mettre en relation la société civile avec les bailleurs et d’autres décideurs à l’échelle régionale et internationale ainsi que collaborer directement avec eux afin d’éliminer les obstacles et inciter les gouvernements à réaliser des investissements dans la PF.
* Pour plus d’informations, veuillez-vous rapporter au document « Troisième réunion annuelle consacrée au suivi des dépenses en matière de planification familiale : transparence, redevabilité et mobilisation des ressources nationales ».